Enjeux biologiques et génétiques
–Facteurs de risque associés à la maladie d’Alzheimer et santé publique
Renseignements généraux
La maladie d’Alzheimer (MA) est un trouble du cerveau nommé d’après le médecin allemand, Alois Alzheimer, qui a été le premier à définir la maladie au début des années 1900 (association de l’Alzheimer, 2008). On attribue les dommages causés aux neurones et la mort de celles-ci, à deux types d’anomalies particulièrement significatives, appelées plaques et enchevêtrements. Les plaques contenant un fragment de protéine appelé bêta-amyloïde se déposent entre les neurones (association de l’Alzheimer, 2008). On entend par enchevêtrements les rubans torsadés formés de filaments de la protéine tau (association de l’Alzheimer, 2008) qui se forment à l’intérieur des cellules mourantes. Bien que la plupart des gens développent des plaques et des enchevêtrements en vieillissant, les personnes atteintes de la MA en développeront beaucoup plus. De plus, les plaques et les enchevêtrements se forment selon un patron prévisible dans les zones nécessaires à l’apprentissage et à la mémoire puis se répandent dans les autres régions (association de l’Alzheimer, 2008). Les chercheurs n’ont pas encore trouvé le rôle que jouent les plaques et les enchevêtrements dans la maladie d’Alzheimer. La majorité des experts estiment qu’ils bloquent d’une certaine façon la communication entre les neurones et perturbent les actions nécessaires à la survie des cellules (association de l’Alzheimer, 2008).
Bien qu’il n’existe pas encore de remède contre la MA, en traitant les symptômes et en obtenant des services et un soutien adéquats, on peut améliorer la qualité de vie des milliers de Canadiens et de Canadiennes qui en sont atteints. Les efforts s’accélèrent dans le monde entier en vue de trouver un meilleur traitement à la maladie, de retarder les premiers symptômes ou de prévenir son apparition (association de l’Alzheimer, 2008).
Risques pour la santé
Avec le vieillissement de la population au Canada, on fait de plus en plus état de préoccupations au sujet du fardeau que la maladie d’Alzheimer constituera pour le système de soins de santé du pays. Chaque année, les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence coûtent environ 5,5 milliards de dollars au Canada (Ostbye et Crosse, 1994).
Selon l’Étude sur la santé et le vieillissement au Canada (1994), en 1991, 10,6 % de la population canadienne était âgée de plus de 65 ans; ce pourcentage devrait augmenter à 14,5 % en 2011 et à 21,8 % en 2031.
Selon la même Étude, on compte un peu plus de 250 000 personnes âgées atteintes de démence au Canada; ces personnes sont prises en charge presque en parts égales dans la communauté et dans les établissements des soins de santé et on compte presque deux fois plus de femmes que d’hommes.
Outre le vieillissement – le facteur de risque le plus évident de la maladie –, des études épidémiologiques ont permis d’établir divers autres risques possibles. Les manifestations cliniques de la MA sont une fonction complexe de facteurs génétiques, environnementaux et sociaux interagissant avec des changements au cerveau.
On a établi que la MA présente un aspect génétique important. La mutation des gènes sur les chromosomes 1, 14, et 21 est une des causes connues de la maladie (Bennett et coll., 2003). De plus, la présence du gène apo E4 (apolipoprotéine E) allélique est un facteur de risque génétique majeur de la maladie. Selon les études histopathologiques, il existe une corrélation entre le gène apo E4 allélique et le nombre de plaques séniles ainsi que la dégénérescence neurofibrillaire, ce qui laisse croire que le gène apo E4 allélique aurait comme effet d’augmenter la vitesse à laquelle la maladie se développe (Bennett et coll., 2003).
Le diabète sucré est une affection répandue chez les personnes âgées. Dans le cadre des études de prévalence, le diabète sucré a été associé à plusieurs effets néfastes sur la santé, dont des troubles cognitifs (Desmond et coll., 1993). Les récepteurs de l’insuline sont abondants dans le cerveau. La protéine bêta-amyloïde 42 diminue la fixation de l’insuline, ce qui pourrait expliquer la résistance à l’insuline chez les patients souffrant de la MA (Purandare et coll., 2005). L’insuline réduit le précurseur du peptide ß-amyloïde et la protéine bêta-amyloïde chez les personnes atteintes de la maladie, et plus particulièrement chez celles qui n’ont pas le gène apo E4 allélique. On ne sait pas encore si le traitement pour le diabète peut réduire le risque de démence (Purandare et coll., 2005). Les facteurs environnementaux jouent un rôle important dans la maladie d’Alzheimer. Certains facteurs environnementaux comme le régime alimentaire et l’aluminium (Al) pourraient produire un stress oxydatif, lequel cause une inflammation.
On sait depuis les 20 dernières années que le cholestérol est un facteur de risque pour la maladie d’Alzheimer (Sparks et coll., 1994). Le taux de cholestérol qui circule dans le sang varie en fonction du régime alimentaire; le sucre et le gras, particulièrement les gras saturés, font augmenter le cholestérol sérique (Sparks et coll., 1994).
Certaines données viennent appuyer l’hypothèse selon laquelle la neurotoxicité de l’aluminium contribue à la dégénérescence neuronale associée à la maladie d’Alzheimer (Yokel, 2000). L’une des premières observations à l’appui de cette théorie avait permis de constater un taux d’aluminium plus élevé dans les échantillons de cerveau prélevés lors des autopsies et des biopsies des patients ayant reçu un diagnostic de la maladie d’Alzheimer que dans les échantillons de cerveau à l’état normal (Crapper et coll., 1973).
Par ailleurs, nombre d’études prospectives ont permis de démontrer par des facteurs objectifs (avoir un petit réseau social, ne pas être marié, ne pas participer à beaucoup d’activités avec la famille et les amis ou une combinaison de ces facteurs) que l’isolement social était lié à une augmentation du risque de développer la MA et une régression cognitive. On pense que l’isolement social peut compromettre les fonctions cognitives et la mémoire sous-jacentes au système nerveux. Par conséquent, les personnes isolées sont plus susceptibles aux effets de la maladie d’Alzheimer (Wilson et coll., 2007). Or, on devra poursuivre les recherches sur ces possibilités.
Gestion des risques
Selon Jorm et ses collaborateurs (1987), la prévalence de la maladie d’Alzheimer pourrait être réduite de 50 %, si les stratégies d’atténuation des risques pouvaient retarder de cinq ans l’apparition de la maladie. Les chercheurs recommandent l’adoption d’une approche consultative à la maladie d’Alzheimer comme future stratégie de prévention. Les tests de dépistage du gène apo E4 – forme du gène qui est plus répandue chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, seraient aussi une possibilité. Actuellement, on ne recommande pas cette stratégie pour poser un diagnostic puisqu’on trouve ce gène chez nombre de personnes âgées qui ne sont pas atteintes de la maladie et on ne le trouve pas chez nombre de patients qui en sont atteints (Grossberg et coll., 2003). On en est actuellement à recueillir et à analyser des données empiriques sur les coûts et les avantages du dépistage du gène apo E4 dans le cadre de l’essai multicentrique REVEAL (évaluation des risques et éducation sur la maladie d’Alzheimer) (Green, 2002).
Plusieurs études transversales et études cas témoin ont permis de démontrer une relation inverse entre l’activité cognitive et le risque associé à la maladie d’Alzheimer. La répétition d’activités cognitives pourrait améliorer les fonctions de traitement de l’information comme la mémoire épisodique et la vitesse de perception. Elle permettrait aussi de mieux organiser certaines capacités cognitives grâce à un réseau dendritique accru (Purandare et coll., 2005). De plus, d’autres études de cohorte ont permis d’obtenir des résultats similaires. Toutefois, aucun essai clinique randomisé n’a été effectué pour prouver la relation inverse entre l’activité cognitive et le risque de développer la maladie d’Alzheimer (Purandare et coll., 2005).
Nombre d’investigateurs se sont penchés sur le lien entre l’intégration sociale et les effets et les conséquences sur la santé. Les recherches réalisées ont abouti à un avis général selon lequel le soutien social aide une personne à se maintenir en bonne santé (House et coll.,1998). Les troubles cognitifs conjugués aux troubles de la circulation ont fait l’objet de nombreuses études, en particulier chez les personnes âgées (Litwin, 1998). L’activité, qu’elle soit cognitive ou physique, comprend souvent un aspect social et procure un sentiment de satisfaction. Il se pourrait que l’aspect social des activités ou un bon réseau social puissent réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Selon Wang et ses collaborateurs (2002), le fait de participer à des activités sociales (mentales, sociales ou productives) réduit de 50 % le risque de développer la maladie d’Alzheimer sur six ans (rapport de risques : 0,54 – 0,58).
On s’efforce actuellement de mettre au point des agents qui pourraient ralentir le dépôt de l’amyloïde, comme la vaccination ou l’inhibition de l’enzyme bêta-sécrétase (Bennett et coll., 2003). Comme il se peut que les facteurs de risque interagissent avec la pathologie de la MA, il sera essentiel de comprendre les mécanismes exacts au moyen desquels la maladie se présente. La présence d’un ou plusieurs gènes apo E4 alléliques semble être le premier facteur de risque génétique en importance chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Toutefois, les mécanismes neurobiologiques par lesquels la forme allélique entraîne une augmentation du risque de développer la maladie d’Alzheimer demeurent incertains (Bennett et coll., 2003).
Liens utiles
Alzheimer’s Association
http://www.alz.org/index.asp
Alzheimer Society of Canada
http://www.alzheimer.ca/english/index.php
Canadian Study of Health and Aging
http://www.csha.ca/
MedlinePlus: Alzheimer’s Disease
http://www.nlm.nih.gov/medlineplus/alzheimersdisease.html
Public Health Agency of Canada – Dementia and Alzheimer’s Disease
http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/whsr-rssf/pdf/WHSR_Chap_19_e.pdf
Lectures complémentaires
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Bennett, D.A., Wilson, R.S., Schneider, J.A., Evans, D.A., Aggarwal, N.T., Arnold, S.E., Cochran, E.J., Berry-Kravis, E., and Bienias, J.L. Apolipoprotein E 𝜖4 allele, AD pathology, and the clinical expression of Alzheimer’s disease. Neurology 60 (2003), 246–252.
Blennow, K., de Leon, M.J. and Zetterberg, H. Alzheimer’s disease. Lancet 368 (2006), 387–403.
Crapper, D.R., Krishnan, S.S., and Dalton, A.J. Brain aluminum distribution in Alzheimer’s disease and experimental neurofibrillary degeneration. Science 180 (1973), 511–513.
Fabriguule, C., Letenneur, L., Dartigues, J.f., Zarrouk, M., Commenges, D., and Barberger-
Gateau, P. Social and leisure activities and the risk of dementia: a prospective longitudinal study. Journal of the American Geriatrics Society 43 (1995), 485-490.
Ferri, C.P., Prince, M., and Brayne, C. Global prevalence of dementia: a Delphi consensus study. Lancet 366 (2005), 2112–2117.
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Collaborateurs : Jelena Ivanovic
Dernière mise à jour : le 12 juin 2012
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